ManœuvresSémaphore pour l’espace public

Biodiversité interdite

Et si nous remplacions nos pelouses par des aménagements plus naturels et réparateurs?

L’opposition entre la nature et la ville est-elle inéluctable ? L’étalement urbain, la déstructuration des territoires agricoles, la fragmentation des usages du sol et la prépondérance de l’automobile constituent quelques phénomènes accusant cette dichotomie. Néanmoins, l’urbanisme durable occupe une place de plus en plus manifeste au sein des préoccupations citoyennes à l’heure où la densification connaît une croissance fulgurante et exerce une pression inégalée sur l’environnement. L’augmentation des populations urbaines, la globalisation de l’exode rural et la prise de distance avec les ressources naturelles sont des dynamiques préjudiciables dans le contexte de la crise climatique si aucune mesure n’est entreprise pour assurer, par exemple, une densification douce ou des initiatives abondant dans le sens la résilience écologique. L’impératif climatique appelle à réfléchir collectivement à nos modes de vie, de consommation, de déplacement, à notre relation à l’environnement bâti, au tissu urbain et aux espaces verts des villes.

La réduction de la consommation énergétique, la limitation de la pollution et la conscientisation récente à notre rapport aux déchets sont directement corrélées à l’espace public dont la conception et l’usage peuvent s’avérer des outils bénéfiques pour le développement durable. À titre d’exemple, on retrouve parmi les espaces publics des îlots de végétation et d’intervention limitée sur les milieux comme des jardins publics, parcs urbains, promenades le long des cours d’eau, des voiries et des lignes de transport, cimetières, boisements, espaces naturels aménagés, espaces extérieurs de quartiers résidentiels ou d’activités, jardins collectifs, lacs, rivières, milieux humides, ruisseaux et boisés. L’extension des villes ne doit pas se faire au détriment de ces milieux et au dépens de la protection de l’environnement. Il s’agit donc d’implanter une méthodologie de conception des espaces publics où les considérations écologiques sont abordées à chacune des phases, du diagnostic à la programmation en passant par la conception et la réalisation, jusqu’au suivi, la gestion et l’animation.

Pour encourager l’adoption d’une éthique écologique saine, la réflexion sur les enjeux environnementaux doit s’effectuer de manière intersectorielle et comprendre une multiplicité de formes et d’approches. La qualité de l’air et de l’eau, l’étalement urbain, l’agriculture urbaine, la protection de la biodiversité, la préservation des espaces naturels, la gestion des déchets et du recyclage, la transition énergétique et les modes de consommation alimentaire constituent quelques exemples qui évoquent la diversité des liens entre l’espace public et l’environnement. Plusieurs démarches sont entreprises pour réduire les îlots de chaleur, améliorer l'absorption de l’eau par les sols et prévenir les débordements ou l’érosion, mais beaucoup reste à faire pour la conciliation concrète de l’écologie et du développement urbain, et pour motiver les autorités à y réfléchir systématiquement dans les projets d’aménagement des villes. Pour y arriver, il faut revoir notre rapport à la biodiversité en ville. Il faut encourager les aménagements plus naturels, revoir nos critères d’esthétisme portés à valoriser la pelouse – grande consommatrice d’eau et de pesticides – au détriment du développement de nos citadins non humains, tels que les plantes, les insectes, les oiseaux et autres petits animaux. Il faut leur donner une voix et une représentativité dans les processus consultatifs et décisionnels, au même titre que les citoyen.ne.s de nos villes. Une initiative portée par le Polau en France explore d’ailleurs ce principe de représentativité des espèces non humaines, mis en scène dans un processus consultatif, afin de leur permettre de s’exprimer et de défendre leurs intérêts. Créons davantage de projets de réhabilitations environnementales tels que des micro-forêts, des prés fleuris, ou encore des milieux humides grouillant de vie!

Légende et crédit : Espace gazonné à l'intersection des rue Berri et Ontario, Montréal, source : google streetview

Pour en savoir plus

https://books.openedition.org/msha/10060?lang=fr

https://www.nouveauxvoisins.org/

https://polau.org/incubations/les-auditions-du-parlement-de-loire/

https://www.arbre-evolution.org/rosemontmicroforet

https://www.ledevoir.com/vivre/508029/le-parc-frederic-back-ou-la-reconquete-ecologique-d-un-depotoir

https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2022-06-12/ruisseau-de-feu-a-terrebonne/un-des-projets-de-restauration-les-plus-spectaculaires.php