ManœuvresSémaphore pour l’espace public

Mais où sont passé les artistes?

Accordons-nous assez d'importance à la place des artistes dans la fabrique de l'espace public?

Le concept de l’art dans la sphère publique englobe des phénomènes bien plus complexes et divers que la commande de sculptures ou de monuments par les instances politiques. Il s’étend de l’installation contextuelle pérenne à l’intervention ponctuelle d’artistes qui activent les espaces via l’engagement de la population avec leurs propositions. De façon générale, il s’agit de la rencontre entre l’art et les citoyen.ne.s dans un contexte public par le biais d’une variété de pratiques auxquelles l’industrie culturelle et les autorités prescrivent un cadre toujours plus défini, par exemple en concentrant la représentation de ces pratiques dans des festivals ou en déterminant des lieux précis pour leur rayonnement.

Depuis les années 1980, les œuvres et les interventions artistiques dans l’espace public sont reconnues officiellement dans les processus d’aménagement urbanistique pour leurs multiples bienfaits. De l’activation d’espaces anciens ou nouveaux à l’altération de la perception de lieux ignorés ou oubliés en passant par la construction identitaire d’un espace - aspect préconisé par les élu.e.s pour la création de lieux uniques et favorables au tourisme et à l’économie -, l’art constitue l’une des principales stratégies dans la fabrique urbaine pour favoriser la consolidation des communautés. En ce sens, l’art public s’avère un outil propice au développement durable puisqu’il sous-tend le partage d’une expérience entre les citoyen.ne.s, augmente les opportunités de rencontres et d’échanges de même que la relation collective à une œuvre ou une pratique. L’héritage culturel inhérent à l’art public est résolument une valeur ajoutée à une communauté pour son attachement à l’environnement bâti, la symbiose entre les citoyen.ne.s qu’il suscite et la synergie avec un espace perçu comme hospitalier, convivial et fédérateur qu’il génère.

L’intervention artistique dans l’espace public relève à la fois du geste poétique et de l’action politique. Elle révèle des éléments latents, des lieux et des paysages, produit des expériences inédites, dénonce des actes répréhensibles, et magnifie ou transforme les perceptions. Elle participe directement à la vie publique de l’espace qu’elle investit, questionne l’ergonomie du lieu, les interactions sociales, et met en valeur le patrimoine bâti. L’artiste est donc appelé.e à aborder sa démarche créative selon une certaine fonction au sein d’une communauté, et parfois même à promouvoir l’institution ou la fédération d’une communauté. Considérant cette disposition, la question de savoir quel est le rôle accordé à l’artiste dans la conception de la cité, et à quel moment iel intervient dans la chaîne de la fabrique de l’espace public semble des plus pertinentes. Son action est cadrée et s’inscrit dans le respect des réglementations de l'administration publique, selon les fonctions données à un espace. Dans un tel contexte, la notion de liberté de création est sujette à débats. La place qu’occupe l’art dans la sphère publique relève le plus souvent de l’intention politique puisque les autorités commandent la fabrique et la réglementation de cet espace. En prônant la présence de l’art, les autorités demeurent néanmoins gardiennes des règles de son déploiement, laissant une place restreinte aux créateur.trice.s et citoyen.ne.s. Pourquoi ne pas laisser une plus large place aux jeunes artistes, à l’expérimentation, aux manifestations qui amènent l’art dans la rue, même de façon temporaire comme on le retrouve avec le placemaking.

À l’image des certifications LEED et WELL, il existe le label HQAC - Haute Qualité Artistique et Culturelle pour la ville en transformation ! Mise en oeuvre dès 2007 à Ivry-sur-Seine (France), à l'initiative de Stefan Shankland, artiste plasticien, dans le cadre du projet prototype TRANS 305, la démarche HQAC opère sur le mode d’une démarche qui s’adresse aux acteur.trice.s d’une mutation urbaine (élus, urbanistes, aménageurs, promoteurs, habitants) et fait de la ville en transformation une ressource pour l’art. C’est une utopie qui positionne l’artiste au cœur du devenir de la ville. Elle reflète l'évolution des pratiques et les nouveaux échanges amorcés depuis ces 20 dernières années entre l'art, l'espace public et les politiques urbaines.

Il va de soi qu’un espace public de qualité correspond à un lieu invitant et favorisant la création d’un espace pour la vitalité de la communauté, notamment par la fédération autour d'œuvres d’art, de culture, et en développant des activités qui permettent de créer des espaces à usages multiples. Nécessite la collaboration de designers, d’architectes, d’artistes pour créer des espaces qui génèrent et soutiennent des communautés plus fortes.

Légende et crédit : Oeuvre en béton coulé représentant la tour d'aiguillage Wellington par Natalie Lafortune, Guylaine Séguin et George Audet

Pour en savoir plus

https://www.escalesimprobables.com/faire-la-ville-avec-les-art-2021

http://artinpublicspace.com

https://www.routledge.com/The-Uses-of-Art-in-Public-Space/Lossau-Stevens/p/book/9781138548664

https://link.springer.com/book/10.1057/9781137436900

https://www.stirworld.com/think-columns-sanctioned-to-the-subversive-art-in-the-public-space

https://artpublicmontreal.ca/en/

https://www.artandpublicspace.net/programme-1

https://laps-rietveld.nl

https://www.millenaire3.com/Interview/Le-role-de-l-art-dans-l-espace-public

http://www.vrm.ca/lart-dans-lespace-public/

https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1169772/reflechir-a-lart-dans-lespace-public-ville-de-quebec-colloque

https://www.federationartsdelarue.org/ressources/manifeste-pour-creation-dans-lespace-public

https://esse.ca/fr/coranto/07

https://www.artcena.fr/reperes/arts-de-la-rue/focus-arts-de-la-rue/arts-plastiques-et-arts-visuels-en-espace-public

https://www.seismoverlag.ch/fr/daten/lart-dans-lespace-public-une-analyse-sociologique/